Revue de presse Asie : L’Inde doit se préparer à un “tsunami de cas de Covid-19” – Sciences et Avenir

L’Inde semble peu préparée à l’épidémie qui arrive. Ramanan Laxminarayan, directeur du Center for Disease Dynamics, Economics and Policy, un organisme de recherche en épidémiologie et santé des populations à Washington, aux Etats-unis, répond aux questions de la BBC. Il s’attend dans les semaines à venir “à un tsunami de cas de Covid-19”. S’il y peu de malades confirmés, c’est parce que le pays n’a pas recours au dépistage systématique. Ce sont les infrastructures hospitalières qui inquiètent le chercheur ; 72 000 à 100 000 lits en services de soins intensifs dans l’ensemble des hôpitaux du pays ne seront pas suffisants. R. Laxminarayan fait un calcul rapide devant la caméra en s’appuyant sur les taux d’infections et les proportions de cas très graves mesurés aux États-unis et en Europe, et en arrive à la fourchette 4 à 8 millions de cas sévères de Covid -19 qui pourraient advenir en Inde. Le pays a trois semaines pour se préparer, et faire ce que les Chinois ont eu à accomplir quand ils étaient l’épicentre de la maladie : construire des hôpitaux d’urgence, convertir des stades en zone de soins, s’équiper en respirateurs. Trois semaines, avant le tsunami…

L’Inde est-elle capable de se confiner ? Un couvre-feu d’un jour pour se le prouver

Alors que le nombre de cas confirmés de Covid-19 s’élève à plus de 220 personnes en Inde, le chef de l’État a annoncé dans une allocution jeudi 19 mars la mise en place d’un “couvre-feu populaire” dimanche 22 mars entre 7 heures et 21 heures. Il demande que chacun reste chez lui pendant ce jour non travaillé pour beaucoup en Inde. Une façon de préparer le pays à des “semaines très difficiles” selon l’hebdomadaire français Courrier international, qui représente plus un test et un symbole : convaincre le monde et les Indiens eux-mêmes que le pays peut s’arrêter et se confiner en cas d’épidémie. L’annonce de cette unique journée de confinement a laissé perplexes les journalistes du quotidien indien The Hindu. Le discours d’une demi-heure aurait pu être selon eux plus ferme et plus pédagogique. Les journalistes remarquent que la seule injonction du Premier ministre, hormis celle de rester chez soi le jour du couvre-feu, était de ne pas se précipiter dans les commerces alimentaires pour constituer des stocks et à ne pas engorger les hôpitaux. L’Inde effectue des contrôles sanitaires à ses frontières et dans ses aéroports ; elle s’est fermée à tous les voyageurs en provenance de zones d’épidémies, la Chine, l’Asie de l’Est puis l’Europe entre autres. Elle a même incité ses propres ressortissants malades à ne pas rentrer. Ces mesures de blocage trahissent la croyance gouvernementale du moment : la maladie ne peut qu’être importée. C’est certainement une erreur selon les journalistes du Hindu.

Le système de santé indien n’est pas prêt pour affronter le Covid-19

Le gouvernement indien a déjà perdu un mois dans la course contre l’épidémie de Covid-19. Le Dr T. Jacob John, retraité et ancien chef du département de virologie d’une faculté de médecine du sud du pays tire, lui aussi, la sonnette d’alarme dans les colonnes de la revue scientifique indienne Economic and Political Weekly. Pour éclairer la situation présente, le médecin passe en revue les différentes épidémies d’un passé récent. L’Inde a été saluée pour sa gestion couronnée de succès face à l’irruption du sida dans les années 1980 ou pendant la décennie précédente, celles de la polio ou de la variole. Des années plus tard, son approche de la grippe H1N1a été, en revanche, un échec selon lui. Sans stratégie, ni programme d’immunisation instaurés par les autorités, le virus a circulé librement, pour devenir endémique et saisonnier. Depuis la maladie ne fait plus peur, la population accepte le lot de morts qu’elle apporte. Qu’en sera-t-il du Covid-19 ? Le système sanitaire indien est fortement inégalitaire. Campagnes reculées et quartiers opulents des villes ne reçoivent pas la même attention de la part des autorités sanitaires. Beaucoup de cas passeront inaperçus en milieu rural, faute d’équipements et de personnels soignants. Chaque fois qu’une épidémie sévit, le pays déploie des équipes de soins ou d’immunisation dédiées à la seule maladie infectieuse. Une fois la crise passée, ces entités sont démantelées ou réduites, laissant des parties du territoire toujours aussi démunies qu’avant. Pour le Dr Jacob John, l’absence d’une entité sanitaire pérenne et centrale, d’une “force de frappe” qui coordonne et anticipe les prochaines vagues épidémiques va être un sérieux handicap dans l’endiguement de Covid-19.

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