“Superpropagateurs” du Covid-19 : très peu de malades seraient responsables de la majorité des contaminations – Sciences et Avenir

Très peu de malades du Covid-19 seraient responsables de la majeure partie de sa propagation, d’après de nouvelles données rapportées par Science. Ces “superpropagateurs” peuvent être des individus dont les caractéristiques restent à définir, ou une combinaison d’un individu malade et d’un environnement propice à la contamination, comme un lieu confiné.

Des variations individuelle d’infectiosité importantes

L’épidémie de Covid-19 a mis en avant une notion essentielle dans la dispersion de l’épidémie : l’indice de reproduction R0. Il s’agit du nombre de personnes qu’un seul malade peut infecter. Lorsqu’il passe en dessous de 1, le nombre de malades passe en dessous du nombre de contaminés et l’épidémie s’éteint d’elle-même. Pour le Covid-19, le R0 avait été estimé entre 2 et 3, c’est-à-dire que chaque malade pouvait contaminer deux à trois personnes. Mais un second paramètre tout aussi important est passé plus inaperçu : le facteur de dispersion k. Il s’agit du nombre qui évalue à quel point le R0 est homogène entre les malades Si le R0 diffère beaucoup entre les individus infectés, on dit qu’il y a une grande dispersion des contaminés, aussi appelés les cas secondaires.

Un k inférieur à 1 signifie qu’il y a des superpropagateurs dans la population. Plus k est petit, moins les contaminations sont homogènes, plus un faible nombre de personnes est responsable d’une majorité des contaminations. “Les estimations du R0 au niveau d’une population peuvent masquer des variations individuelles considérables en matière d’infectiosité“, concluaient déjà des chercheurs américains en 2005 dans une publication du journal Nature, au sujet du virus du SRAS de 2003. D’après ces travaux, le k du SRAS était de 0,16, c’est-à-dire très faible. Les “superpropagateurs” du virus avaient donc joué un rôle important dans l’épidémie. Le virus du MERS de 2012 a un k compris entre 0,26 et 0,64 d’après une analyse de 2015En revanche, le k de la grippe de 1918 (aussi appelée “grippe espagnole”) a été estimé à 1, indiquant que la contamination était plus homogène entre les individus.

10% des malades seraient responsables de 80% des contaminations

Qu’en est-il du SARS-CoV-2, responsable du Covid-19 ? Difficile à déterminer précisément à ce stade. “Actuellement, les super-diffuseurs ne sont classés rétrospectivement qu’après un traçage épidémiologique“, explique une publication de 2015. Il faudrait donc attendre encore un peu les analyses à venir pour en avoir le cœur net. Néanmoins, des études fournissent une première estimation. Des travaux suisses ont ainsi estimé que l’épidémie de Covid-19 reposait moins que le MERS et le SRAS sur les superpropagateurs. Son k serait donc plus élevé, sans qu’ils aient pu en déduire une valeur précise.

Cela semble correct, a commenté auprès de Science Gabriel Leung, modélisateur à l’université de Hong Kong. “Je ne pense pas que ce soit tout à fait comme pour le SRAS ou le MERS, où nous avons observé de très grands groupes de superpropagation“. “Mais nous observons certainement beaucoup de clusters où une petite proportion de personnes est responsable d’une grande partie des infections.” En revanche, une pré-publication (encore non validée par des experts du domaine) récente a estimé que le k du Covid-19 était de 0,1, une valeur très basse. “80 % des transmissions secondaires peuvent avoir été causées par une petite fraction d’individus infectieux, d’environ 10%”, concluent les auteurs britanniques. Des rapports sur la superpropagation du SRAS-CoV-2 ont été documentés, suggérant que l’hétérogénéité de l’infectivité peut avoir un impact significatif sur la dynamique de sa transmission“, confirment des chercheurs américains dans Immunity.

19 fois plus de risques de contamination en lieux clos

Trois types de paramètres peuvent créer des superpropagateurs, d’après une étude de 2015 : des facteurs spécifiques au virus ou à l’hôte (le patient), l’environnement et le comportement. Dans la première catégorie, on retrouve des mutations du virus, ou une susceptibilité génétique du patient à répandre l’infection par la voie aérienne. Dans les facteurs environnementaux sont compris la densité de population et la proximité entre les gens, par exemple dans un avion. Enfin, les comportements à risque de superpropagation peuvent être voyager, ou courir plusieurs hôpitaux pour multiplier les avis médicaux.

Ainsi selon une pré-publication chinoise, sur 318 clusters de cas, seul un avait démarré à l’extérieur et qui n’avait impliqué que deux nouveaux cas. Tous les autres trouvaient leur origine dans un espace clos impliquant en majorité trois ou quatre nouveaux cas. Au Japon, une pré-publication a d’ailleurs conclu à un risque 19 fois plus élevé de contamination par le Covid-19 en lieu clos qu’en extérieur.

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