Covid-19 : l’Assemblée ouvre la voie à un « passe sanitaire » – Le Monde

Un voyageur montre les résultats de ses tests de dépistage contre le Covid-19 sur son téléphone à l’aéroport de Paris-Orly, le 27 avril.

Au terme d’un débat houleux à l’Assemblée nationale sur un sujet sensible, les députés ont donné un premier feu vert à la création par le gouvernement d’un « passe sanitaire », lundi 10 mai au soir, à l’ouverture de l’examen d’un projet de loi qui doit assouplir l’état d’urgence sanitaire.

Cette mesure phare du texte introduite par le gouvernement en commission des lois a fait l’objet d’un tir de barrage des oppositions avec, à la clé, de longues discussions et de nombreux amendements rejetés, y compris ceux des centristes du MoDem.

« Le passe sanitaire doit nous permettre de rouvrir des établissements recevant du public, des festivals, des lieux de rassemblement. Si nous n’avions pas le passe sanitaire, nous devrions attendre beaucoup plus longtemps », a prévenu le secrétaire d’Etat chargé du numérique Cédric O. « C’est la condition de la liberté », a vanté le député Roland Lescure (La République en marche, LRM).

« On nous dit que c’est un projet de loi pour gérer la sortie de cette crise sanitaire et on nous pond la mesure la plus coercitive de contrôle depuis le début de la crise du Covid », a rétorqué Eric Coquerel (La France insoumise). « Vous ouvrez la boîte de Pandore », dénonce-t-il.

Pierre Dharréville (Parti communiste français, PCF) a dénoncé une « philosophie de contrôle social dangereuse ». A l’inverse, « le scandale n’est pas de demander de faire un test PCR, le scandale est de ne pas demander de le faire », a estimé Olivier Becht (Agir).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Covid-19 : le conseil scientifique avalise le passe sanitaire sous conditions

« Garanties suffisantes »

L’outil, d’abord réservé aux déplacements vers ou depuis l’étranger, conditionnera l’accès à des grands rassemblements ou de certains lieux à la présentation du résultat négatif d’un dépistage virologique, d’un justificatif de vaccination, ou d’une attestation de rétablissement à la suite d’une contamination.

« Le dispositif est entouré de garanties suffisantes, car il ne s’appliquera pas aux activités quotidiennes » – comme les restaurants, cinémas, théâtre –, a rassuré le rapporteur Jean-Pierre Pont (LRM). Une jauge à 1 000 personnes a été promise par le gouvernement sans que celle-ci soit pour autant inscrite dans la loi. Il faut « maintenir une forme de souplesse », a justifié M. Pont.

L’argument n’a convaincu ni Pacôme Rupin (LRM) ni Philippe Latombe (MoDem), qui ont dénoncé un « texte trop large » et « pas assez précis » quand d’autres députés de droite comme de gauche réclamaient davantage de « clarté dans les critères » (surface, densité, extérieur/intérieur), à l’instar de Philippe Gosselin (Les Républicains).

Lire aussi Covid-19 : le calendrier de la levée des restrictions annoncé par Jean Castex

La publication concomitante d’une interview au Parisien du premier ministre n’a rien arrangé à l’affaire. Jean Castex y a en effet annoncé qu’au cinéma ou au spectacle, « la règle sera un siège sur trois, avec un plafond de 800 personnes par salle ».

Le cas des discothèques rejeté

Les débats autour du « passe sanitaire » ont également permis aux partisans de la réouverture des discothèques de donner de la voix. Christophe Blanchet (MoDem) a demandé que le dispositif puisse servir de sésame pour rouvrir des établissements contraints à la fermeture depuis quatorze mois. Là aussi sans succès en raison du risque de contamination, jugé trop « important ».

Le groupe MoDem, qui avait souhaité apporter un certain nombre de clarifications sur cette question controversée du passe, s’est dit « amer » et a laissé planer le doute sur son soutien final au texte, selon Philippe Latombe. Un vrai caillou dans la chaussure de la majorité.

Dans les faits, les huit articles du projet de loi de « gestion de sortie de la crise sanitaire » vont continuer d’octroyer au gouvernement du 2 juin au 31 octobre des pouvoirs de police sanitaire jugés exorbitants par les oppositions. Ils ne sont pas les seuls. Des députés de la majorité Sacha Houlié (LRM) et Philippe Latombe appuyés par les oppositions ont sans succès essayé de réduire d’un mois la durée du régime transitoire.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Du passeport vaccinal au certificat vert européen, comment la France a adopté le passe sanitaire

Parmi les autres mesures du texte, est prévue la possibilité de maintenir un couvre-feu, et même un confinement local dans des territoires pouvant rassembler jusqu’à 10 % de la population française.

La clause de revoyure devant le Parlement de ces hypothétiques reconfinements devrait faire l’objet d’âpres débats mardi alors que les députés n’ont pas réussi à boucler l’examen de l’article 1er du projet de loi. Le texte doit être soumis au Sénat le 18 mai.

Fonctionnement, efficacité sanitaire, protection des données personnelles : vos questions sur le passe sanitaire

Test de dépistage négatif, attestation de vaccination ou certificat de rétablissement du Covid-19 : à partir du 9 juin, ces trois documents visant à attester d’une faible contagiosité seront rassemblés dans le passe sanitaire voulu par le gouvernement pour faciliter les déplacements et les rassemblements cet été.

Le dispositif, expérimenté en France depuis le 19 avril, est débattu à l’Assemblée nationale, lundi 10 mai, à l’occasion de l’examen du projet de loi de sortie de crise sanitaire. Un amendement déposé par le gouvernement demande que sa présentation devienne obligatoire à l’entrée des événements rassemblant plus de 1 000 personnes : parcs de loisirs, festivals, grands concerts, salons professionnels, entre autres.

S’il est adopté par les parlementaires, son utilisation sera aussi imposée pour toute entrée et sortie du territoire national. Le principe d’un « certificat Covid-19 » a été validé par le Parlement européen et fait encore l’objet de discussions entre les Etats membres pour un lancement prévu avant la fin du mois de juin.

Fonctionnement, efficacité, protection des données personnelles… Simon Auffret, journaliste au Monde, a répondu à vos questions.

Nos articles à lire

Décryptage. Le conseil scientifique avalise le passe sanitaire sous conditions

Discussions européennes. Le certificat sanitaire, qui permettrait de se déplacer dans l’UE, provoque encore des désaccords

Récit. Du passeport vaccinal au certificat vert européen, comment la France a adopté le passe sanitaire

Le Monde avec AFP

Source

Share your thoughts