Covid-19 : trois profils différents de malades décryptés – Sciences et Avenir

A travers le monde, les chercheurs travaillent d’arrache-pied pour mieux connaître et soigner la pandémie de Covid-19. Une des priorités est de comprendre le cours de la maladie, afin de prévoir son issue en fonction du patient qui se présente. Aux hôpitaux de Paris (AP-HP), des travaux publiés dans The Lancet Infectious Diseases viennent de mettre en évidence trois profils différents de malades du Covid-19. Cette ébauche de classification suggère que le risque de transmission du virus est particulièrement élevé en début de maladie, justifiant l’efficacité des mesures de confinement et l’importance des tests avant de laisser sortir un patient de l’hôpital ou de quarantaine.

Le 24 janvier 2020, l’hôpital Bichat (Paris) diagnostiquait le premier patient atteint de Covid-19 en France. Ce patient, et les quatre suivant, ont été suivis et le cours de leur maladie décortiqué, avec l’aide de l’hôpital Claude-Bernard (Lyon) et de l’Institut Pasteur. Ces cinq patients ont illustré trois cours possibles de la maladie.

Le patient grave

Âgé de 80 ans, ce patient a d’emblée montré de graves symptômes, jusqu’au décès une vingtaine de jours après les premières manifestations de la maladie. Cette dernière a évolué rapidement vers une défaillance multiviscérale avec une charge virale (quantité de virus) élevée persistante dans les voies respiratoires et la détection de virus par PCR dans le sang. Contrairement aux deux autres profils, moins sévères, “cette charge virale élevée et persistante suggère la capacité du virus à échapper à la réponse immunitaire“, en déduisent les auteurs, comme cela a pu être montré pour les virus du SRAS et du MERS. Ces derniers sont en effet capables d’inhiber certaines voies de la réponse immunitaire, ce qui faciliterait les surinfections bactériennes et fongiques. “Comme l’ont indiqué des études précédentes ces patients gravement malades sont souvent des patients âgés présentant des comorbidités. Le patient 3 était âgé de 80 ans” et pouvait avoir un système immunitaire altéré. Pour ces raisons, il est important de se fonder “sur des marqueurs précoces de détection plus inflammatoires que virologiques” pour identifier les patients les plus à risque, commente dans un communiqué le Pr Xavier Lescure, premier auteur de cette étude.

Le patient biphasique

Deux patients masculins de 31 et 48 ans ont montré, après 10 jours de symptômes légers, une aggravation subite au niveau respiratoire, et ce malgré une diminution de la charge virale dans les échantillons nasopharyngés. Chez ces deux patients à l’évolution dite “biphasique”, le virus SRAS-CoV-2 à l’origine du Covid-19 n’a plus été détecté dans les voies respiratoires supérieures (nez, bouche, pharynx, larynx) chez un patient et à des niveaux très faibles chez l’autre. Des lésions pulmonaires observées chez ces patients, pourraient correspondre à une réponse inflammatoire excessive du système immunitaire, plutôt qu’à une progression non contrôlée du virus, rapportent les auteurs. Les deux patients, traités par remdisivir, ont fini par guérir peu après la flambée du dixième jour.

Le patient bénin

Sur les cinq patients atteints de Covid-19, les deux présentant un profil bénin étaient des femmes, du même âge à un ou deux ans près que les deux patients biphasiques. Très peu symptomatiques, elles ont montré une évolution spontanée rapidement favorable malgré une forte présence du virus dans les prélèvements nasopharyngés dès le début de la maladie. Ces deux patientes ont été diagnostiquées précocement grâce à leurs contacts connus avec des patients confirmés – l’une était la femme d’un des patients biphasiques. “Les charges virales élevées dans les échantillons des voies respiratoires supérieures suggèrent un risque potentiellement élevé de transmissibilité dès les premiers jours des symptômes“, estiment les auteurs, ce qui est conforme aux résultats d’une précédente étude chinoise. “Cette observation suggère que le schéma d’excrétion du virus chez les patients infectés par le virus du Covid-19 est différent de celui observé avec le coronavirus du SRAS, chez lequel la charge virale était très faible au début de la maladie.”

Déconfinement : un isolement immédiat des patients aux symptômes légers

Ces conclusions sont importantes pour les mesures à prendre pour sortir du confinement. Il faudrait en effet à la fois dépister pour isoler immédiatement les patients atteints et surveiller les contacts de ces patients afin de détecter ceux qui présentent des symptômes très légers.

Le rapport entre la présence du virus et celle de symptômes n’est pas encore clair. Chez les quatre patients les moins gravement atteints, la charge virale a diminué avec le temps et est devenue négative entre le 9e et le 14e jour de la maladie. Cependant, le virus était toujours détecté à de faibles niveaux dans les voies respiratoires supérieures, même après la disparition complète des symptômes. Pour les auteurs, cette incertitude justifie la recommandation du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies d’obtenir “deux échantillons nasopharyngés négatifs par RT-PCR“, c’est-à-dire deux examens montrant que le virus n’est pas détecté dans le prélèvement, avant de laisser sortir les patients asymptomatiques.

Si les trois patients les plus graves ont été traités avec du remdisivir, molécule développée à l’origine pour traiter Ebola, aucune conclusion ne peut être tirée dans ces travaux quant à son efficacité. Cette étude “suggère que l’immense majorité des patients n’ont pas besoin de traitement“, conclut plutôt le Pr Xavier Lescure, et “illustre la nécessité d’identifier rapidement les patients qui pourraient s’aggraver secondairement en fonction d’un terrain particulier – le genre masculin semble se confirmer comme étant un facteur de risque de gravité“.

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