Covid-19 : la crainte d’une « deuxième vague psychiatrique » – Le Monde

Dans un hôpital psychiatrique, le 12 février à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).
Dans un hôpital psychiatrique, le 12 février à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

L’hécatombe n’a pas eu lieu en psychiatrie. Elle était largement redoutée au début de l’épidémie de Covid-19, dans les services hospitaliers concernés et les établissements spécialisés : « Nos patients ont souvent des facteurs de risques graves – surpoids, diabète –, et le respect des gestes barrières n’est pas très facile pour eux, alors on s’attendait à un désastre, explique Raphaël Gaillard, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne, dans le 14e arrondissement de Paris. Mais ça n’a pas du tout été le cas. »

Le phénomène n’a pas été quantifié, mais la demi-douzaine de psychiatres hospitaliers interrogés par Le Monde l’ont constaté, comme le professeur Gaillard, qui a fait ses propres statistiques : « Dans un pôle comme le mien, qui reçoit 12 000 personnes par an, avec 150 hospitalisées en permanence, on a eu au pic de l’épidémie 3 % des patients qui avaient des symptômes [de Covid], contre 19 % des soignants. »

Le tabac – les patients en psychiatrie fument plus que la population générale – est une piste pour expliquer ce décalage (la nicotine pourrait avoir un effet protecteur contre le coronavirus). La chlorpromazine en est une autre. L’hôpital Sainte-Anne mène actuellement des essais cliniques sur ce vieux neuroleptique – utilisé dans le traitement des troubles bipolaires et de la schizophrénie – pour évaluer ses éventuels effets protecteurs face au Covid-19.

Pour ce qui est des effets du confinement et du contexte général de peur lié au Covid-19 sur le psychisme, il faudra également patienter : personne ne dispose de données épidémiologiques complètes. Une première enquête de Santé publique France (SPF) menée auprès de 2 000 personnes et publiée le 7 mai donne un aperçu rapide de l’impact de l’épidémie sur la santé mentale du pays.

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Une semaine après l’instauration du confinement, le 17 mars, la prévalence de l’anxiété chez les enquêtés était de 26,7 %, deux fois plus que dans une enquête menée en 2017 (13,5 %). La prévalence des troubles du sommeil s’élevait à 66 % fin avril, contre moins de 50 % trois ans plus tôt. L’étude montre également une hausse de la consommation de psychotropes au fil du confinement, passée de 10,4 % des enquêtés début avril à 13,7 % à la fin du mois.

« Sidérés par l’ampleur de l’événement »

En revanche, la prévalence de l’anxiété a chuté au fil des semaines, passant de 26,7 % à 18,1 % fin avril. SPF en conclut que « le confinement, envisagé comme un facteur de risque pour la santé mentale, aurait plutôt agi pour une majorité de la population comme un facteur de protection contre l’anxiété, en réduisant efficacement le risque d’exposition au virus ».

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