Seconde vague du Covid-19 : les vrais chiffres – Le Point

Les autorités sanitaires le martèlent depuis plusieurs jours, des signaux inquiétants font craindre une seconde vague de Covid-19 sur le territoire français avant la fin de l’été. Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, l’avait confié au Figaro, en début de semaine. Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique chargé d’éclairer le gouvernement sur l’épidémie de coronavirus, l’a répété le 9 juillet dans Le Monde. Nombreux sont les professionnels de santé à redouter un nouvel engorgement des services d’urgence dans les semaines qui viennent si les Français ne respectent pas les gestes barrières et les règles de distanciation physique préconisées. Responsable de l’unité des infections respiratoires de Santé publique France, Daniel Lévy-Bruhl décrit au Point la situation épidémiologique de la France à la veille des grands départs en vacances.

Le Point : Les autorités répètent qu’une seconde vague d’infections au Covid-19 se profile dès cet été. Les évolutions statistiques que vous observez vous font-elles craindre un rebond de l’épidémie à court terme ?

Daniel Lévy-Bruhl : Nous commençons à être préoccupés. Nous notons un incontestable frémissement qui ne peut manquer de nous alerter. La circulation du Covid se poursuit dans notre pays. Au cours de la semaine du 29 juin au 5 juillet, le nombre de cas de Sars-CoV-2 enregistrés a été de 3 797, contre 3 406 la semaine précédente (soit une hausse de + 11,5 %, NDLR). Les consultations faites par SOS Médecin ont aussi augmenté de 41 % par rapport à la semaine précédente, avec 1 523 actes réalisés pour suspicion de Covid contre 1 082 huit jours plus tôt. Il est important de dire que nous sommes encore très loin des chiffres de la période de mars ou avril, mais nous restons très vigilants et toutes les agences régionales de santé aussi pour repérer d’éventuels signaux d’alarme.

Quelles régions sont particulièrement touchées ?

Dans dix régions, nous relevons une tendance à l’augmentation des suspicions de diagnostic de Covid-19 à travers les données des associations SOS-Médecins. C’est le cas de l’Île-de-France où la progression est la plus importante avec + 22 % de cas en une semaine, devant l’Auvergne-Rhône-Alpes (+ 15 %), le Centre-Val de Loire, les Hauts-de-France, la Bretagne, mais aussi l’Occitanie, la région Paca, les Pays de Loire, le Grand Est et la Nouvelle Aquitaine.

Le cluster de la Mayenne vous semble-t-il particulièrement menaçant ?

Ce département est au centre de nos attentions. Entre le 25 et le 30 juin en Mayenne, le nombre de nouveaux cas positifs au Covid-19 est, en effet, passé de 54 à 109, puis de 109 à 219 entre le 30 juin et le 6 juillet. Une multiplication rapide des cas qui a poussé les autorités à y organiser un plan de dépistage massif. Nous sommes ici dans ce que nous appelons un « cluster communautaire » où nous voyons apparaître des cas d’infection en dehors du premier cercle, situé à Laval. Mais les choses restent encore sous contrôle. Nous suivons aussi de très près un autre cluster en Normandie, du côté de Rouen.

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Combien de tests sont réalisés chaque semaine ?

Aujourd’hui plus de 300 000 tests virologiques sont effectués par semaine. Cette augmentation du nombre de tests explique peut-être aussi, en partie, la hausse du nombre d’infections que nous relevions précédemment.

Le taux de reproduction du virus, le fameux « R effectif » (ou R), qui diagnostique ce rebond est repassé au-dessus de 1 au plan national. Ce qui veut dire que le virus est à nouveau à l’offensive. Peut-il redescendre dans les semaines qui viennent ou risque-t-il, au contraire, de flamber ?

Cela dépendra de la vigilance de nos concitoyens. Plusieurs sondages ont montré qu’ils faisaient moins attention que lors du déconfinement en matière de respect des gestes barrières. Si le R est aujourd’hui, en moyenne, de 1,05 en France métropolitaine, contre 0,9 la semaine dernière, cela ne doit pas nous affoler, mais cela montre tout de même une nouvelle dynamique : c’est le frémissement dont je vous parlais au début.

Où ce taux atteint-il le plus haut niveau ?

En dehors de la Guyane et de Mayotte où nous sommes encore en phase épidémique (même si, à Mayotte, nous notons que l’épidémie est en recul), c’est la Mayenne qui affiche le plus haut taux de reproduction avec un R de 1,52.

Ce taux R est-il l’indicateur que vous surveillez le plus ?

Cet indice donne une idée de la vitesse de propagation de la maladie, mais il représente essentiellement un signal d’alerte qui conduit les cellules de Santé publique France en région et les agences régionales de santé à investiguer localement les causes d’une éventuelle augmentation du nombre de cas.

L’épée de Damoclès pèse toujours sur nos têtes.

Les scénarios de reconfinement que nous observons à l’étranger sont-ils examinés par vos services ?

Une telle décision est l’arme utile qui ne serait utilisée qu’en dernier recours. Tout doit être fait, bien sûr, pour éviter d’avoir à en arriver là. Pour l’heure, un tel scénario n’est pas à l’ordre du jour.

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À quelle échéance peut-on le craindre ?

C’est impossible à prévoir, car cela dépendra, en grande partie, du respect des mesures barrières et de distanciation sociale adoptées par les Français pendant l’été.

Combien de clusters ont été recensés à ce jour ?

333 depuis le déconfinement… auxquels il convient d’ajouter 104 Ehpad, mais seuls 68 sont en cours d’investigation. Ce qui veut dire que tous les autres ne sont plus actifs.

Plus de quinze jours après la Fête de la musique, peut-on dire que nous payons le prix du relâchement que nous avons observé le 21 juin.

Aucune donnée ne nous laisse aujourd’hui penser que la Fête de la musique a été à l’origine d’une résurgence du virus ou de la reprise de la circulation du Covid-19. J’exprime cela avec toute la réserve scientifique qui s’impose. Mais l’épée de Damoclès pèse toujours sur nos têtes. Le virus n’est pas parti. Il est toujours là. Nous devons apprendre à vivre avec et trouver un équilibre en reprenant une vie presque normale mais en gardant à l’esprit toutes les mesures de protection qui s’imposent pour nous-même et notre entourage. Y compris sur nos lieux de vacances.

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