Covid-19 : à la maison, au restaurant… Quels sont les lieux où l’on se contamine le plus ? – L’Express

Depuis l’arrivée du Covid-19, ils sont les lieux pointés du doigt et les premiers à être fermés. Une étude très attendue rendue publique ce jeudi confirme qu’aller dans les restaurants ou les bars augmente le risque d’attraper le Covid-19. Les repas en général jouent un rôle central dans les contaminations. “On voit dans cette étude une augmentation du risque associée à la fréquentation des bars et restaurants”, explique son auteur principal, Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur et membre du Conseil scientifique qui guide le gouvernement. 

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Mais “il faut être prudent” dans l’interprétation de ces résultats “sur un sujet éminemment sensible”, insiste-t-il. L’étude, baptisée ComCor, a été menée en octobre/novembre, pendant le couvre-feu puis le confinement, quand les établissements étaient partiellement voire complètement fermés. Il est donc difficile de savoir “quelle est la part réelle des restaurants et des bars dans la transmission” du virus, puisque cette période ne correspondait pas à leur fonctionnement normal. 

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Que disent dans le détail ses résultats ? 

  • Des contaminations dans le cercle familial

L’étude ComCor comprend deux parties. L’une sur les circonstances de contamination au Covid-19. Celle-ci porte sur environ 30 000 personnes (parmi lesquels 5000 soignants, dont les résultats sont classés à part) infectées tirées des fichiers de l’assurance-maladie (Cnam) entre le 21 octobre et le 3 novembre, interrogées par questionnaire.  

Au sein de ce panel, 44% des personnes infectées connaissent la personne source qui les a infectées, 21% suspectent un évènement particulier sans connaître la personne source de l’infection, et 35% ne savent pas comment elles se sont infectées. Quand ces contaminations ont lieu hors du foyer (deux tiers des contaminations sourcées), elles sont avant tout liées au cercle familial (33,1%), au milieu professionnel (28,8%) et enfin au milieu amical (20,8%). 

L’autre partie de l’étude porte davantage sur les lieux, les professions, les facteurs de contamination à proprement parlés, également pendant la période du couvre-feu et du confinement. Pour ce faire, les chercheurs de ComCor ont interrogé plus de 3400 volontaires infectés par le Covid-19 et 1700 autres “témoins”, qui n’ont pas été contaminés. 

  • Mieux vaut être agriculteur que commercial

Plusieurs professions sont directement citées dans le rapport comme présentant un plus grand risque face au Covid-19, “par rapport aux cadres de la fonction publique” pour lequel le risque est jugé “moyen”. Les cadres administratifs, commerciaux d’entreprises, ou encore les ouvriers dans l’industrie figurent parmi les cités. “Travailler dans les métiers du commerce augmente légèrement le risque d’être infecté, mais on ne peut exclure des fluctuations aléatoires d’échantillonnage”, peut-on lire. Plus logiquement, les professions intermédiaires de la santé apparaissent dans la liste, au même titre que les chauffeurs. 

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Avoir des enfants à la crèche, en maternelle ou scolarisés au collège et au lycée est également un facteur de risque. Sans surprise, de nombreux contaminés au sein du panel ont admis avoir participé à une réunion physique, qu’elle soit professionnelle ou d’ordre privée. 

À l’inverse, les étudiants, les agriculteurs, les télétravailleurs sont jugés moins à risque. “Le télétravail est associé à une diminution de 30% du risque d’être infecté”, pointe l’étude. Le fait d’avoir fréquenté des commerces alimentaires ou de prêt-à-porter n’est pas jugé plus dangereux. 

  • Le repas, scène de contamination classique

Les bars et les restaurants ressortent quant à eux négativement de l’étude. En fraction attribuable, les réunions privées et la fréquentation des bars et des restaurants ont été responsables de la plus grande part des infections : 19% et 12%, respectivement”, note l’étude.  

Paradoxalement, ce risque augmente même davantage pendant le confinement que pendant le couvre-feu, alors même que les établissements étaient alors censés être totalement fermés. “Cela laisse entendre qu’il y a eu des bars et restaurants ouverts de façon clandestine pendant le confinement” et que les personnes qui s’y sont rendues, même moins nombreuses, “s’y sont beaucoup exposées”, avance le Pr Fontanet. 

Mais “les réunions privées – familles, amis – constituent la principale source d’infection”, rappelle le Pr Fontanet. “Si les gens organisent des dîners amicaux chez eux plutôt qu’aller au restaurant, ça ne change rien”. De très nombreux cas positifs indiquent que leur contamination est survenue après un repas, où, dans 93% des cas dans la sphère privée, ni “la personne source ni le cas index” ne portaient de masque. Un chiffre qui diminue de moitié dans la sphère professionnelle. Un peu plus de la moitié des repas “amicaux” aboutissant sur une contamination se sont déroulés en petit comité, avec moins de 5 personnes invitées. 

Que ce soit dans le milieu familial, professionnel ou amical, les contaminations ont en majorité lieu en intérieur, avec les fenêtres fermées (80% des cas). Symbole aussi de la place que tient la bonne ventilation des pièces dans la lutte contre le Covid-19. 

Circonstances de contamination au Covid-19 chez les personnes non-soignantes. Le repas prédomine parmi les évènements identifiés par les cas positifs.

Circonstances de contamination au Covid-19 chez les personnes non-soignantes. Le repas prédomine parmi les évènements identifiés par les cas positifs.

InstitutPasteur

  • Une mise à l’isolement tardive

Point positif : un très grand nombre de cas positifs ont respecté un isolement. Mais celui-ci est souvent arrivé trop tard. “Seulement 53,9% dès les premiers symptômes, et 64,1% dès la connaissance d’un contact avec un cas infecté, quand ces derniers ont été les seuls signes d’appel.” 

Pour ce qui est des symptômes, dans le cas d’un contact unique avec la personne source, “plus de 93% des cas index ont développé leurs symptômes dans les neuf jours, et plus de 96% dans les dix jours”. 

  • Une étude qui en confirme d’autres, malgré des biais

Ces dernières semaines, les restaurateurs ont protesté contre les fermetures, en estimant qu’elles n’étaient pas justifiées scientifiquement. Des accusations rejetées par le Premier ministre Jean Castex : “On dispose d’études internationales”, a-t-il dit mardi sur Europe 1, en assurant que pour le côté français, l’étude ComCor allait “confirmer” que la fermeture des restaurants et des bars était “nécessaire”. 

Deux études américaines pointaient récemment le rôle des restaurants dans les contaminations. L’une a été publiée en septembre par les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) d’Atlanta, l’autre en novembre dans la revue médicale Nature. “Il y a un faisceau d’arguments”, souligne le Pr Fontanet, en citant ces deux travaux, sa propre étude ainsi que “de nombreuses descriptions de transmission dans des restaurants” à travers le monde. 

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“L’ensemble montre que c’est un lieu à risques, en revanche, l’ampleur du risque doit être réévaluée dans des conditions d’ouverture beaucoup plus classiques” que celles de son étude, juge-t-il. 

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Elle sera poursuivie ces prochains mois pour affiner ces premiers résultats et en savoir plus sur la transmission du virus dans d’autres endroits, comme les lieux de culture. “Ce n’est pas un outil de censure pour dire ‘Attention, c’est chez vous que ça se passe’, mais au contraire un outil qui accompagnera les réouvertures pour voir si on détecte un sur-risque”, conclut le Pr Fontanet. 

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