Vaccination contre le Covid-19 : Londres et Bruxelles disent vouloir travailler à une solution commune – Le Monde

Des Italiens faisant la queue pour recevoir le vaccin AstraZeneca, le 24 mars 2021 à Rome.

L’heure est à la désescalade entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Mercredi 24 mars en fin de journée, Bruxelles et Londres, en désaccord sur la gestion des stocks de vaccins produits en Europe par le groupe anglo-suédois AstraZeneca, ont assuré qu’ils travaillaient à une solution « mutuellement bénéfique » pour résoudre leurs vives tensions. « Etant donné nos interdépendances » dans la production de vaccins, « nous travaillons sur des mesures spécifiques (…) à court, moyen et long terme, pour arriver à une situation mutuellement bénéfique et accroître l’approvisionnement en vaccins pour nos citoyens », expliquent-ils en fin d’après-midi dans un communiqué commun.

Cette déclaration intervient au terme d’une journée qui a vu la Commission européenne présenter des mesures de durcissement du contrôle des exportations de doses produites au sein de l’Union européenne (UE). L’objectif affiché était clair : empêcher la fuite vers d’autres pays, et en particulier le Royaume-Uni, des doses nécessaires aux Européens.

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« L’UE fait face à une très grave situation épidémiologique et continue d’exporter des volumes importants vers des pays » produisant leurs propres vaccins ou bien où la vaccination est plus avancée, a déclaré en début d’après-midi le vice-président de l’exécutif européen, Valdis Dombrovskis. « Nous avons donc adopté deux ajustements au mécanisme actuel » de contrôle des exportations pour « résoudre ces déséquilibres » et pour « garantir » les approvisionnements des Vingt-Sept, a-t-il annoncé lors d’une conférence de presse.

Un dispositif mis en place par Bruxelles à la fin de janvier prévoyait déjà, avant toute exportation de vaccins, le feu vert de l’Etat membre d’où partent les doses ainsi que celui de la Commission. Quelque trois cents autorisations ont été délivrées depuis, pour envoyer quarante millions de doses vers trente-trois pays. Un unique refus a été décidé, concernant une livraison, depuis l’Italie, de vaccins d’AstraZeneca à destination de l’Australie.

Intenses discussions avec Londres

L’exécutif européen entend désormais durcir les conditions d’exportation vers les pays qui produisent eux-mêmes des vaccins contre le Covid-19 sans en envoyer en retour vers l’UE. Dans son texte de règlement révisé, la Commission constate que certains pays tiers bloquent les exportations de doses vers l’UE « soit par la loi, soit par des arrangements contractuels ou autres, conclus avec des fabricants de vaccins ». Bruxelles entend opposer, notamment à Londres, un objectif de « réciprocité ».

Face à de telles mesures, des entreprises peuvent s’interroger sur la pertinence « de réaliser de futurs investissements dans des pays où des blocus arbitraires sont imposés », avait rétorqué le premier ministre britannique, Boris Johnson, devant le comité de liaison regroupant les présidents des différentes commissions parlementaires.

L’UE a exporté quelque dix millions de doses, tous vaccins confondus, vers le Royaume-Uni entre le 1er février et mi-mars. A l’inverse, elle n’a reçu aucune dose produite sur le sol britannique – alors que le contrat signé par AstraZeneca prévoyait la livraison de doses produites dans deux usines au Royaume-Uni. L’entreprise avait expliqué que son contrat avec Londres l’obligeait à honorer en priorité les commandes britanniques.

AstraZeneca a tenu en « quasi-intégralité » ses engagements « avec la Grande-Bretagne mais pas avec l’Union européenne » en matière de livraison de vaccins, « c’est une situation totalement inacceptable », a dénoncé, mercredi, le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal. « L’Union européenne ne sera pas le dindon de la farce de la vaccination », a-t-il insisté à l’issue du conseil des ministres.

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AstraZeneca dans le viseur

La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait d’ailleurs menacé samedi de bloquer les exportations du laboratoire suédo-britannique si l’UE ne recevait pas d’abord les approvisionnements promis.

Le laboratoire prévoit de livrer au deuxième trimestre soixante-dix millions de doses aux Européens, contre cent quatre-vingts millions prévues dans le contrat signé avec l’UE, après n’avoir assuré qu’un tiers des livraisons promises au premier trimestre. Or, une nouvelle affaire a alimenté, ces derniers jours, la défiance des Européens envers le laboratoire anglo-suédois.

Le quotidien italien La Stampa a rapporté, mardi, la découverte d’un stock de vingt-neuf millions de doses d’AstraZeneca en Italie, qui auraient été destinées à être exportées hors des frontières de l’UE. AstraZeneca s’est défendu, mercredi, dans un communiqué déclarant qu’une partie de ces doses étaient à destination des pays bénéficiant du programme Covax de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui doit permettre l’accès aux vaccins aux pays les plus pauvres. Selon le laboratoire, parmi ces vingt-neuf millions de doses, treize millions s’inscrivent dans ce cadre et seize millions sont destinées à l’Europe. Le laboratoire anglo-suédois, qui juge incorrect le terme de « stock », a affirmé que ces lots étaient en attente de contrôle qualité avant d’être expédiés.

Les Vingt-Sept divisés

L’UE continue par ailleurs d’envoyer des doses vers des pays ne produisant pas de vaccins, mais dont les populations sont déjà largement vaccinées ou bénéficient d’une meilleure situation épidémiologique, observe la Commission. Dans son texte de règlement révisé, il est désormais écrit que « les Etats membres devront refuser les exportations ».

Et alors que le mécanisme de contrôle prévoyait jusqu’alors des exceptions pour des dizaines de destinations (pays à bas revenus, certains Etats voisins de l’UE), toutes ces exemptions sont suspendues, en dehors d’une poignée de micro-Etats comme Saint-Marin, Andorre et les îles Féroé.

Ces nouvelles règles, qui doivent encore être validées, divisent les Vingt-Sept. La France et l’Allemagne y sont favorables, comme l’Italie de Mario Draghi, qui a appelé mercredi à « utiliser pleinement » le mécanisme et à exiger des laboratoires qu’ils « honorent en totalité leurs engagements contractuels ». Mais à l’inverse, la Belgique et les Pays-Bas, où l’industrie pharmaceutique est très présente, s’alarment de possibles mesures de rétorsion ailleurs dans le monde, susceptibles d’entraver les chaînes d’approvisionnement des vaccins. De son côté, Dublin s’est dit farouchement opposé à tout « blocage » complet des exportations.

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Le Monde avec AFP

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