Covid-19 : dans le service de « réa » de Nancy, « la crue est sacrément menaçante » – Le Monde

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Publié hier à 21h33, mis à jour à 03h04

Il règne dans le couloir un silence interstellaire. Nuit du samedi 3 avril, 1 heure du matin. Pulsations régulières des machines. Une alarme au loin se met en marche. Puis s’arrête. Fausse alerte. Derrière les vitres des chambres à double sas, l’étrange brigade d’ombres blanches s’agite autour des corps inertes pris dans leur cocon de tubes, de câbles et de perfusions. Là-haut, à Brabois, au-dessus de la ville de Nancy, l’unité de soins intensifs cardiologiques (Usic) – le service de réanimation médicale – fait penser à un vaisseau spatial. Vingt-deux passagers en route vers l’inconnu – tous ont moins de 70 ans, certains moins de 30 ans –, dont les destins sont entre les mains de six médecins, cinquante infirmières et une vingtaine d’aides-soignantes, qui s’y relayent jour et nuit.

Le service de réanimation du CHRU de Nancy-Brabois, qui est dans une situation extrêmement tendue, le 3 avril 2021, durant le week-end de Pâques. En temps normal, ce service possède 14 lits de réanimation, mais depuis le début de la troisième vague il est passé à 22 lits et, à partir du 5 avril, il doit accueillir 30 lits.

La veillée pascale ici, au centre hospitalier universitaire (CHU), a des allures de veillée d’armes. Alors que le gouvernement vient d’annoncer un troisième confinement, chacun redoute une arrivée massive de patients. On l’a senti tout à l’heure aux larmes ravalées de Karine Lhaute, infirmière, lorsque le monsieur de la 37 – 47 ans, père de trois gamins – est parti, enveloppé dans une housse blanche cachée sous un drap pudique. Un lit libre. Rapidement rempli. On le sent malgré les rires qui, à la table du poste de surveillance, tentent de réveiller la nuit.

Lire le récit : « Elle est où, la lumière au bout du tunnel ? » : dans la France confinée pour la troisième fois, la débrouille, les soupirs et les critiques

Le calme qui précède les tempêtes ? Les soignants de la « réa » connaissent. Il y a un an, la région était aux premières loges lorsque le Covid-19 a déferlé. En quelques semaines, entre ses différents pôles de réanimation (médecine, cardiologie, neurologie traumatologie répartis sur plusieurs sites), le CHU de Nancy était alors passé de 67 à 160 lits, mobilisant pour la réa notamment, comme ici autour du service du professeur Bruno Levy, 44 lits, presque tout un étage du bâtiment.

A l’époque ils avaient été pris par surprise. Pas cette fois. « Parce qu’on a anticipé », explique ce chef de pôle. Pour faire face à la troisième vague, le CHU est déjà monté à 108 lits et il est rempli. Huit nouveaux doivent être affectés à la réanimation cette semaine. « Mais je ne vois pas comment on pourrait arriver jusqu’aux 160 de la première vague. Ce n’est pas une question de matériel, mais de personnel qualifié », répète-t-il urbi et orbi.

Les équipes médicales s’affairent pour gérer au mieux l’arrivée d’un patient atteint du Covid-19, en situation critique, en provenance de Saint-Avold, le 3 avril 2021.

Héros d’un film sans générique

Il n’y a guère que la couleur de leurs chaussures qui les distinguent. Uniforme blanc, foulard bleu réglementaire sur les cheveux, masque. Même taille, même énergie farouche, mêmes yeux en alerte. Minutie des gestes, économie des mots… Chacun sait ici ce qu’il a à faire. Lorsque l’équipe de nuit a remplacé l’équipe de jour, les Crocs ont détrôné les tennis – on court moins la nuit. Mais il faut durer – toute la question est là –, sur la journée, sur la semaine, sur la vie.

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