Covid-19 : et si la pandémie devenait une endémie, bonne nouvelle ou faux espoir ? – L’Express

Prononcés la semaine dernière, ses mots gardent une forte résonance : “Nous ne devrions pas oublier que nous sommes encore dans une pandémie. Néanmoins (…) nous nous dirigerons rapidement vers un scénario plus proche de l’endémicité.” En disant cela, Marco Cavaleri, chef de la stratégie vaccinale de l’agence européenne des médicaments (EMA), confirme l’hypothèse que nous pourrions entrer rapidement dans une nouvelle ère sanitaire. Avec la propagation extrêmement rapide du variant Omicron – moins pathogène que son prédécesseur Delta – certains espèrent que le Sars-CoV-2 devienne endémique. De quoi parle-t-on exactement ? “L’endémie se distingue par des cas survenant de manière régulière, mais pas nécessairement en grand nombre. Cependant, il y a une notion de temps qui n’existe plus”, définit pour L’Express Jacques Izopet, chef du service virologie du CHU de Toulouse. Au contraire, l’épidémie se caractérise par des contaminations qui apparaissent à une période donnée – de façon limitée dans le temps. La pandémie, elle, est une épidémie à échelle mondiale. 

Lorsqu’une maladie connaît un caractère endémique, sa présence se stabilise au sein de la population. La circulation du virus devient sous contrôle et est, de fait, plus facile à surveiller. Cependant, l’endémie serait-elle forcément une bonne nouvelle, sachant que le VIH ou le paludisme sont aussi endémiques et provoquent de nombreux morts chaque année ? “Sur un plan purement théorique, on peut croire qu’une situation endémique avec une forte circulation de la maladie entraîne plus de dégâts qu’une situation épidémique. Il n’y a jamais de répit et c’est ce qui se passe avec la malaria. Si l’immunité de la population est assez bonne, la maladie cible donc les jeunes enfants”, expose Yves Coppieters, épidémiologiste à l’Université libre de Bruxelles. Mais la situation est différente avec le variant Omicron, moins virulent. “Si un virus qui n’est pas méchant circule à un niveau haut, alors on connaîtra une plus grande immunité. Mais si sa circulation est basse, notre immunité sera moins stimulée. Il faut trouver un équilibre” 

Sur la liste des maladies endémiques, très vite, l’exemple du Sida nous vient aussi en tête. En 2020, environ 680 000 personnes sont mortes de la maladie dans le monde, selon l’ONU. Si les progrès réalisés sur la qualité des traitements et la prévention ont permis de faire baisser le taux de mortalité, le VIH circule encore massivement dans le monde et particulièrement sur le continent africain. “Dans le cas du virus du Sida, c’est particulier : une personne qui est infectée ne l’élimine pas définitivement. Par ailleurs, nous n’avons pas vu d’atténuation du pouvoir pathogène du virus depuis son apparition vers 1930”, souligne Jacques Izopet. Une situation bien différente de celle du Sars-CoV-2 pour lequel on pourrait se diriger à terme, selon le spécialiste, vers une atténuation du caractère pathogène. Cependant, les personnes les plus fragiles vont continuer à être exposées au virus même si une barrière immunitaire – obtenue avec la vaccination et la propagation d’Omicron – s’élève dans une grande partie de la population. 

Offre limitée. 2 mois pour 1€ sans engagement

Je m’abonne

“Possibilités de bouffées épidémiques saisonnières”

Par conséquent, les individus plus âgés ou immuno-déprimés resteront ceux les plus à risque de faire une forme grave. “Pour elles, et pour les personnes qui en ont la charge (les proches-aidants, les personnels de santé et d’EPHAD par exemple), il conviendrait de disposer de vaccins qui pourraient régulièrement être adaptés en fonction des variants émergents, un peu comme on le fait pour la grippe”, souligne Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’institut de santé globale de l’Université de Genève. Selon le spécialiste, l’état endémique n’est pas une dénomination très appropriée pour un virus respiratoire comme le coronavirus : “Pour celui de la grippe par exemple, on parle plutôt de virus ‘endémo-épidémique’, c’est-à-dire d’une persistance endémique du virus dans la population, mais avec des possibilités de vagues épidémiques saisonnières.” Autrement dit, si le Covid-19 devient endémique, nous ne sommes pas à l’abri de voir une hausse des contaminations survenir chaque hiver, obligeant les pouvoirs publics à prendre des mesures pour protéger les plus vulnérables. 

Selon plusieurs projections, il est possible que l’on se tourne vers un scénario similaire à celui de la grippe. “Ce virus ne pose pas de problème, sauf chez les personnes à risques, jusqu’à l’arrivée de variants complètement nouveaux comme c’était le cas en 1918-1919”, analyse Jean-Daniel Lelièvre, immunologue et chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Henri-Mondor. D’après lui, la logique est la suivante : plus la maladie va progresser et moins elle va poser de problème. Pour l’instant, l’hypothèse d’une endémie semble se dessiner bien qu’il soit difficile d’y voir clair. “Il convient de rester prudent, il y aura probablement d’autres vagues avant que la maladie ne devienne endémique”, avançait le 19 janvier dans L’Express l’infectiologue Éric Caumes. Plusieurs éléments doivent être observés : la durée de l’immunité de la population, mais aussi la capacité d’un nouveau variant plus pathogène de supplanter la souche Omicron. Actuellement, les scientifiques surveillent de près un sous-variant d’Omicron qui serait déjà devenu majoritaire au Danemark et qui pourrait provoquer une nouvelle hausse des contaminations partout en Europe. Pour l’heure, les données manquent toutefois sur cette nouvelle souche. 

L’application L’Express

Pour suivre l’analyse et le décryptage où que vous soyez

Télécharger l'app

Télécharger l’app

Sur le même sujet

“Un nouveau variant qui échapperait à l’immunité conférée par les vaccins et les précédents variants par exemple remettrait en cause des scénarios plus optimistes fondés notamment sur l’acquisition par la population mondiale d’une immunité de plus en plus forte contre les formes sévères de Covid, qu’on dénomme l’immunité à médiation cellulaire”, reprend Antoine Flahault. Malgré cette équation à plusieurs inconnues, certains gouvernements veulent franchir le pas. A l’instar de l’exécutif espagnol qui envisage de considérer le Covid-19 comme une maladie endémique, ce qui justifierait un relâchement des restrictions. “C’est vrai que le variant Omicron nous amène vers cette perspective, mais on ignore si ce scénario va perdurer”, commente prudemment Yves Coppieters. Du côté de Jean-Daniel Lelièvre, le Covid-19 se dirige vers un stade endémique. “C’est une réalité”, martèle-t-il. Une chose est sûre selon lui : “Ce virus ne va pas disparaître de la surface de la Terre. On ne reviendra jamais au monde d’avant et les compteurs ne seront jamais remis à zéro.” 

Les plus lus

Opinions

Journal d’un libéral

Hausse des prix ne signifie pas inflation, même si tout le monde, ou presque, fait la confusion, souligne Alain Madelin.Par Alain Madelin

Chronique

Pierre Assouline, journaliste, écrivain, membre du jury Goncourt et chroniqueur à L'ExpressPierre Assouline

Chronique

Au nom de la lutte légitime contre les violences sexuelles, nous ne devons jamais oublier que ce qui nous préserve de la barbarie est notre droit, la prescription, la présomption d'innocence, la réinsertion.Abnousse Shalmani

Chronique

François Bazin, essayiste et journaliste spécialiste de la politique.Par François Bazin

Source

Share your thoughts