Covid-19 : Didier Raoult publie une deuxième étude sur l’effet de l’hydroxychloroquine – L’Express

Les résultats portent sur 80 patients traités à l’hydroxychloroquine et à l’azithromycine. Ils semblent montrer une diminution de la charge virale.

Didier Raoult, le directeur de l’IHU Méditerranée Infection de Marseille, affirme disposer de nouveaux arguments pour lutter contre le Covid-19. Le très médiatique infectiologue a diffusé vendredi soir une nouvelle étude sur les effets de la prise combinée d’hydroxychloroquine (dérivé de l’antipaludéen chloroquine) et d’un antibiotique, l’azithromycine. Ces travaux, préliminaires, n’ont pas encore été relus par des pairs ni publiés dans une revue scientifique.  

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Les résultats portent sur 80 patients traités en leur administrant des doses de 200 mg d’hydroxychloroquine trois fois par jour pendant 10 jours, et de 250 mg d’azithromycine par jour pendant 5 jours. Le traitement a été donné après un contrôle des risques cardiaques, qui peuvent potentiellement augmenter avec cette combinaison. En moyenne, les patients ont été traités 5 jours après l’apparition des symptômes, qui eux apparaissent 5 à 6 jours après l’infection. 

Pas de groupe de contrôle, pas de comparaison possible

Résultat : 65 des 80 patients sont sortis de l’IHU de Marseille sans aggravation de leurs symptômes. 12 ont dû recourir à une thérapie à l’oxygène mais ont également pu être guéris. Trois sont passés en unité de soins intensifs : un est guéri, un autre, âgé de 74 ans, s’y trouve encore et le dernier, âgé de 86 ans, est mort. L’étude souligne également une rapide diminution de la charge virale des malades. Au huitième des dix jours de suivi, 93% d’entre eux étaient négatifs au test permettant de détecter la trace du coronavirus SARS-CoV-2. 

Selon le professeur Raoult, son étude prouve “l’efficacité de [son] protocole”. Néanmoins, il est à noter que ces travaux n’intègrent pas de groupe de contrôle. Dans un essai clinique classique, il existe, en plus du groupe qui reçoit le traitement, un groupe de contrôle constitué de patients qui ne reçoivent aucun traitement ou un placebo (un faux médicament dépourvu de substance active), ce qui permet de mesurer précisément l’efficacité d’un traitement en la comparant avec celle du placebo. Sans cette méthodologie, il est donc impossible d’effectuer de comparaison. 

Une diminution de la charge virale

Pour combler ce manquement, le professeur Raoult et ses collègues ont donc comparé leurs résultats à d’autres études, notamment une menée à Wuhan, en Chine. L’étude chinoise présente un taux de mortalité de 28% des patients admis, contre 1,2% (1 mort sur 80) dans l’étude de Didier Raoult. Sauf que les critères d’admission des patients sont très différents dans les deux cas, en Chine, les patients présentaient des formes bien plus sévères de la maladie. Il est donc impossible de comparer les deux taux de mortalité.  

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En revanche, comme le remarque le médecin Axel Kahn sur Twitter, les données mondiales connues sur 600 000 cas montrent que 85% de cas sont bénins et 15% sont sévères, dont 5% doivent recourir à des soins intensifs (la moitié de ces derniers décèdent). Or, l’étude du professeur Raoult présente sensiblement les mêmes statistiques (page 25) : 81,2% se sont rétablis, 15% ont dû subir une thérapie à l’oxygène et 3,8% sont allés en soins intensifs (un mort sur trois). Statistiquement, l’effet du traitement du professeur Raoult ne semble donc pas concluant.  

La comparaison avec l’étude chinoise permet néanmoins de constater que la charge virale a diminué plus rapidement chez les patients traités par l’équipe marseillaise, ce qui pourrait être provoqué par la combinaison hydroxychloroquine-azithromycine. Mais si ces résultats semblent encourageants, l’absence de groupe de contrôle empêche d’en tirer des conclusions. Il faudra donc attendre les conclusions des très nombreuses études menées sur l’hydroxychloroquine partout dans le monde, dont l’essai clinique européen Discovery

Docteur polémique

Didier Raoult est au coeur d’une polémique depuis plusieurs semaines, après avoir assuré que l’hydroxychloroquine (dont la vente est désormais encadrée) constituait un remède au coronavirus. Une première étude publiée le 20 mars, qu’il a cosignée, “montre que le traitement à l’hydroxychloroquine est associé, de façon significative, à une diminution/disparition de la charge virale (…) et ses effets sont renforcés par l’azithromycine”, indiquait-il.  

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Mais de nombreux scientifiques et l’Organisation mondiale de la Santé ont pointé les limites de ces travaux, notamment parce qu’elle porte sur trop peu de patients et qu’elle n’a pas été menée selon les protocoles scientifiques standards permettant de tirer des conclusions solides, comme le tirage au sort des patients afin de les répartir dans différents groupes, le fait que les médecins et les patients doivent ignorer qui reçoit le traitement, etc.  

Ces faiblesses méthodologiques ont rendu toute conclusion quant à l’efficacité (ou l’inefficacité) de l’hydroxychloroquine impossible, ce que l’équipe du professeur Raoult a en partie reconnu. Leur deuxième étude ne change pas la donne.  

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