Mesures contre le Covid-19 : le coup de massue – Le Parisien

Ce sont des mesures chocs. Des restrictions drastiques. Des bars qui tirent le rideau à Aix, Marseille et en Guadeloupe, des interdictions en pagaille à Paris, Rennes ou Grenoble. A l’issue du Conseil de défense et de sécurité nationale, le ministre de la Santé a pris la parole, ce mercredi soir, pour annoncer des « mesures supplémentaires » face au Covid-19. « Nous ne le faisons pas de gaieté de cœur », a prévenu Olivier Véran.

Mais voilà : le virus persiste, frappe toujours plus fort. Désormais, le ratio est de 95 contaminées pour 100000 habitants contre 83 la semaine dernière. Le taux de positifs aux tests a grimpé de 5 % à plus de 6 % en sept jours. A l’hôpital aussi, 600 malades arrivent chaque jour. Et ils sont 950 en réanimation, c’est 19 % des lits à l’échelle de l’Hexagone.

Mesures contre le Covid-19 : le coup de massue

Le virus progresse à une vitesse inégale selon les zones. D’où l’annonce d’un nouveau classement, proportionnel à la gravité de l’épidémie. Sur les 69 départements désormais en rouge, certains sont dans la case « zone d’alerte » à l’instar de la Gironde, l’Aude ou le Loiret, où la jauge des rassemblements de type fêtes, mariages, anniversaires ou communions est limitée à moins de 30 personnes à partir de lundi.

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Un cran au-dessus, Lille, Paris, Montpellier, Toulouse et d’autres se retrouvent « en zone rouge renforcée » car le taux d’incidence y est plus élevé et inquiétant chez les plus vulnérables. Ces villes écopent en conséquence d’un deuxième tour de vis : rassemblements limités à 1000, grands événements interdits, pas plus de 10 dans l’espace public, fermetures anticipées des bars… Enfin, la métropole Aix-Marseille et la Guadeloupe sont en « alerte maximale » et sans une baisse des contagions, il faudra peut-être y déclarer l’état d’urgence sanitaire.

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Pour l’instant, ces décisions, qui devront faire l’objet d’une concertation avec les préfets dans les prochaines 48 heures, sont valables 15 jours. Les enterrements échappent aux restrictions de rassemblements.

Sur le modèle belge, le ministre a aussi invité chacun à se créer une « bulle sociale », autrement dit à limiter son interaction avec les autres, amis, familles, collègues. Plus que jamais, il faut protéger les plus vulnérables sans les isoler et éviter ainsi des syndromes de glissement chez les plus âgés, surtout en Ehpad, comme au moment du confinement. Frappés par la solitude, ils se laissaient alors mourir. Le défi sera donc double. « Je leur demande la plus grande vigilance », les a exhortés le ministre de la Santé.

«On reprenait une vie trop normale»

Le gouvernement a-t-il placé le curseur trop loin ? Certainement pas, selon le président de l’Académie de médecine, qui juge ces mesures appropriées. « Je pense qu’il était temps de sonner la fin de cet esprit post-vacances, lance Jean-François Mattei. On reprenait une vie trop normale. » Il salue aussi la méthode « graduée », adaptée à la situation sanitaire en fonction des régions, car « tout le monde n’est pas sur un pied d’égalité ». « Vous ne pouvez pas faire marcher la France au même rythme à Paris ou en Lozère », dit-il, regrettant cependant une première partie de discours trop technique, alourdis par une flopée de chiffres et des jauges parfois difficiles à comprendre.

Pourquoi fermer un bar à 22 heures ou 23 heures ? Pourquoi 1000 personnes ici, 10 dans l’espace public ? Dans tous les cas, ces restrictions de population, sources de clusters, sont la bonne réponse, dit-il, même si « cela est regrettable pour les restaurants ». « Mardi, j’étais à Paris, j’ai traversé Saint-Germain-des-Prés, je peux vous dire que sur les terrasses, les chaises se touchaient, les tables se cognaient, j’ai pris la tangente immédiatement. » Dans ce contexte épidémique, Jean-François Mattei espère que l’individualisme prendra fin. Il le redit : « Les maladies contagieuses nous rappellent que nous formons une société ou l’on est responsable de l’autre, nous sommes tous dans la même galère. »

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Pour Etienne Gayat, anesthésiste-réanimateur à l’hôpital Lariboisière à Paris, les annonces sont à la hauteur des attentes. « On voit bien que les plus touchés sont les moins de 40 ans et que beaucoup de contaminations ont lieu dans des rassemblements plutôt festifs où l’on boit et mange. » Dans son hôpital, cela fait déjà plusieurs semaines que les pots ont été bannis. Restreindre les rassemblements, c’est, par ricochet, faire baisser le nombre de contagions et d’admissions en réanimation. « Chez nous, nous avons une dizaine de malades du Covid, l’activité est soutenue, on commence à avoir besoin de renfort, mais la situation n’est pas tendue et il nous reste des possibilités d’accueil, précise le professeur. Mais il est important de ralentir le rythme des admissions pour faire face. »

Agir en amont pour éviter la déferlante, la stratégie qui offrira un répit aux blouses blanches épuisées est approuvée. Loin de lui les discours pessimistes : « Ces décisions me semblent adaptées à l’enjeu, précise Etienne Gayat. On peut encore contrôler l’épidémie, c’est un point positif. »

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