La deuxième vague de Covid-19 vue de l’hôpital Bichat : « Plus rien ne m’intéresse, je veux juste rester au calme » – Le Monde

***** NE PAS PUBLIER LE NOM ******** LAMRI, 59 ANS, OPHTALMOLOGUE, EST DANS LE SERVICE DEPUIS DEUX SEMAINES, OCCUPE SES JOURNEES EN REGARDANT LE BALAIS DES VOITURES SUR LE PERIPHERIQUE PARISIEN, REPORTAGE SUR LE SERVICE DE PNEUMOLOGIE DE L HOPITAL BICHAT A PARIS PENDANT LA SECONDE VAGUE DE LA CRISE DU CORONAVIRUS, LE 13 NOVEMBRE 2020

JULIE BALAGUÉ POUR “LE MONDE”

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Publié hier à 16h14, mis à jour à 11h58

La deuxième vague au jour le jour | Episode 2. Au 8e étage de l’hôpital Bichat à Paris, assis sur le rebord de son lit, Lamri passe le temps en contemplant le spectacle de la ville à ses pieds. « Le périphérique, c’est devenu mon divertissement préféré », explique-t-il, laconique. « On dirait qu’il n’y a pas de confinement : il y a autant de voitures que d’habitude », précise-t-il, silhouette courbée, en tee-shirt blanc, au milieu de ses draps jaunes en désordre.

Hospitalisé depuis deux semaines dans le service de pneumologie, cet ophtalmologue de 58 ans n’en a pas encore fini avec le Covid-19. Quelques pas lui font l’effet « d’avoir couru le Marathon de Paris ». Il n’a même plus l’envie d’allumer la télévision suspendue au mur sauf pour regarder des documentaires animaliers sur France 5. « Plus rien ne m’intéresse, je veux juste rester au calme », souffle-t-il, épuisé malgré l’oxygène qui lui est administré en continu.

Marié, père de deux enfants, ce médecin pense avoir été contaminé par un de ses patients. « J’en vois 150 par semaine, ça défile », raconte-t-il, regrettant de ne pas avoir porté un masque FFP2, plus protecteur que le masque chirurgical. Il devra patienter encore quelques jours avant de pouvoir rentrer enfin chez lui, soulagé d’avoir évité la « réa ».

Hôpital Bichat, Paris, le 13 novembre. Une arrivée d’oxygène dans la chambre d’un patient.
Hôpital Bichat, Paris, le 13 novembre. Un électrocardiogramme réalisé sur un patient de 48 ans atteint par le Covid-19.

Des patients qu’il faut décaler ou refuser

Ce vendredi 13 novembre, seuls neuf des douze lits destinés aux malades contaminés par le SARS-CoV-2 du service de pneumologie sont occupés contre vingt-huit au printemps. Le pic de la vague apparemment passé, les soignants s’interrogent déjà sur l’après.

« Pour l’instant, nous gardons les lits au cas où », indique Camille Taille, qui ne se souvient que trop bien de ce samedi d’octobre où on lui a demandé de mettre des patients non atteints du Covid-19 « dehors », pour faire de la place. « Le challenge est d’arriver à banaliser la prise en charge, d’avoir des malades Covid dans le service comme on a des grippes ou des tuberculoses », souligne la pneumologue, qui, après le premier confinement, a vu certains de ses patients revenir dans un état gravissime.

Hôpital Bichat, Paris, le 13 novembre. La professeure Camille Taille ausculte un patient de 84 ans malade du Covid-19, placé sous oxygénothérapie nasale à haut débit.
Hôpital Bichat, Paris, le 13 novembre. Sandrine de Pamphilis, cadre de santé, a choisi, parmi les éléments de décoration qui ornent son bureau, une affichette particulièrement symbolique en ces temps de Covid-19.

Depuis sa « tour de contrôle », un petit bureau encombré des cartes postales et bibelots rapportés de voyage par les soignants, Sandrine de Pamphilis, cadre supérieure de santé, voit se matérialiser chaque jour l’embouteillage sur ses plannings : les délais qui s’allongent pour les examens même « urgents », les renforts qui se font attendre, les patients qu’il faut décaler ou refuser, « malheureux non-Covid, dans un hôpital Covid ». « On doit rester un hôpital pour tout le monde », plaide-t-elle, en évoquant les arbitrages quotidiens qui épuisent les soignants.

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