Covid-19 : BA.5 et après, va-t-on se réinfecter encore et encore ? – L’Express

Encore une fois, le virus a déjoué les pronostics les plus optimistes. Souvenez-vous, c’était à la fin de 2021. Les politiques, mais aussi quelques scientifiques, voyaient dans l’arrivée d’Omicron notre salut collectif. Ce variant très transmissible mais moins “méchant” allait tous nous infecter sans causer trop de dégâts, et, ce faisant, immuniser même les plus récalcitrants à la vaccination. Avec un tel bouclier collectif, pas de doute : ce serait la dernière vague. Raté.  

Il a fallu quelques semaines à peine pour que BA.2 pointe le bout de ses spicules et fasse mentir cette prévision. “Différentes publications ont montré qu’une infection par Omicron protège peu, explique le Pr Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale à l’université de Genève. L’avoir attrapé cet hiver ne vous évitera pas une nouvelle contamination cet été. Et, contrairement aux variants précédents, il ne renforce pas l’immunité contre les formes graves.” Des immunologues britanniques l’ont même affublé d’un drôle de surnom : Omicron serait l'”avion furtif de l’immunité”, car il passe sous les radars de nos défenses, n’y laissant qu’une faible trace. 

Dans le même ordre d’idée, certains espéraient, voilà quelques semaines, que le nombre important d’infections à BA.2 dans notre pays nous protégerait de BA.5. “Cette hypothèse reposait sur le fait que BA.5 est génétiquement plus proche de BA.2. Mais nous avons besoin de plus de données pour conclure sur cette protection croisée entre BA.2 et BA.5”, nuance à présent Santé publique France. En attendant, le passage de BA.2 dans l’Hexagone n’a pas empêché la vague portée par BA.5 de démarrer en trombe, avec plus de 90 000 cas quotidiens en moyenne cette semaine. “Sauf évolution incontrôlée, l’impact sur l’hôpital devrait rester modéré, mais le nombre d’infections va continuer à progresser, avec des conséquences en termes sociaux et économiques non négligeables car ce sous-variant cause des symptômes plus forts que les précédents”, indique le Pr Mahmoud Zureik, épidémiologiste à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.  

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Vers une huitième ou neuvième saison du Covid ?

Le SARS-CoV-2 paraît donc loin d’en avoir fini avec nous. Contrairement à des idées très répandues, il ne s’avère pour l’instant ni saisonnier ni endémique. Pis, il est capable de nous réinfecter à échéances régulières, à la faveur de l’apparition de nouveaux variants ou de l’affaiblissement de notre immunité. Alors, comme pour une mauvaise série télévisée, faut-il s’attendre à une huitième, à une neuvième, à une dixième saison, voire davantage ? Pour l’épidémiologiste Mircea Sofonea, cela ne fait guère de doute. Avec Bastien Reyné, doctorant au sein de son équipe de l’université de Montpellier, il a réalisé une modélisation jusqu’à 2025 des admissions hospitalières pour Covid, diffusée en prépublication (sans avoir encore été revue par d’autres scientifiques). “Il ne s’agit pas de fournir des prédictions à l’unité près, mais de comparer l’impact de différentes stratégies de gestion de l’épidémie”, avertit-il.  

Les principaux enseignements de son étude ne sont guère réjouissants. “En l’absence totale de mesure, on s’attend à avoir au cours des prochaines années plus d’hospitalisations qu’en 2021. Quant à la vaccination, elle ne permettra pas, à elle seule, de réduire à néant l’impact sur les établissements”, détaille le chercheur. Son travail repose sur de récentes données britanniques sur l’évolution au cours du temps de l’efficacité des rappels, à la fois contre l’infection et contre les hospitalisations : “Elles montrent qu’au bout de cinq mois l’effet d’une dose supplémentaire ou d’une réinfection s’estompe. Cela veut dire que tous les cinq mois il y a reconstitution d’une susceptibilité populationnelle qui permet une reprise épidémique”, explique le scientifique. Il n’est donc même pas nécessaire qu’un nouveau variant arrive pour voir le nombre de cas repartir à la hausse : “S’il n’y avait pas eu BA.4 et BA.5, nous aurions probablement eu une autre vague de BA.2 un peu plus tard”, précise Mircea Sofonea.  

Pour faire la différence et limiter les hospitalisations, il faudrait, en plus de la vaccination, réduire la circulation du virus d’au moins 20 %, selon son modèle. “Les vaccins nous ont permis de sortir des confinements et des couvre-feux, mais ils ne suffisent pas pour passer à une nouvelle phase de la pandémie où on ne verrait plus ces vagues itératives”, confirme Antoine Flahault. La preuve, pour cet expert, la mortalité liée au Covid reste toujours très importante, malgré les injections : encore plus de 59 000 décès l’an dernier contre 64 000 en 2020, selon l’Institut national d’études démographiques (Ined), et déjà plus de 23 000 morts de janvier à la fin de juin 2022, d’après les données de Santé publique France. 

“Répéter que l’épidémie se termine devient contre-productif”

“Nous avons besoin d’un grand plan de ventilation des lieux clos, pour limiter les transmissions. Tant qu’on ne le lancera pas, on n’en sortira pas”, répète le Pr Flahault, à l’unisson de tous les spécialistes du Covid. Les inconnues autour de l’effet cumulé de multiples réinfections ne sont pas la moindre des raisons d’essayer d’éviter de se contaminer encore et encore. “Sont-elles moins violentes, ou, au contraire, augmentent-elles le risque de faire une forme grave ou un Covid long ? Pour l’instant, nous n’en savons pas grand-chose”, admet le Pr Zureik. La question se pose avec d’autant plus d’acuité que différentes études suggèrent une baisse, modeste certes mais une baisse quand même, de la protection conférée par les rappels contre les formes graves. De récents travaux israéliens sur 40 000 personnes de plus de 60 ans ont ainsi montré qu’au bout de quatre mois la quatrième dose ne protégeait plus qu’à 72 % contre les décès. “Cela reste très élevé, mais nous ne sommes plus dans l’âge d’or d’une efficacité dépassant les 90 %”, constate Mahmoud Zureik.  

En parallèle, les vaccins adaptés à l’évolution du virus se font attendre. Les injections “bivalentes”, avec du virus original (Wuhan) et une souche d’Omicron, s’avèrent complexes à mettre au point. “Il est délicat de choisir le sous-variant à inclure : BA.1 n’a plus tellement d’utilité, mais rien ne dit qu’à l’automne BA.5 sera encore en circulation. Les industriels risquent de se retrouver en permanence à courir derrière le virus”, s’inquiète Bruno Canard, directeur de recherche au CNRS et virologue à l’université d’Aix-Marseille. Or, plus le Sars-CoV-2 circule, plus le risque de voir émerger des variants s’accroît. “Le plus probable, c’est qu’il y ait de nouveaux venus dans la famille Omicron. Un autre scénario verrait s’affaiblir notre immunité vis-à-vis des souches précédentes, comme Delta. L’un d’entre eux pourrait alors se redéployer à partir d’un réservoir qui aurait échappé à la surveillance”, imagine le spécialiste des coronavirus. A moins que le virus ne fasse un détour chez des personnes immunodéprimées ou chez des animaux, et qu’il ne revienne sous une forme inédite.  

“Le vrai sujet, c’est la gestion de l’incertitude scientifique. La prudence devrait s’imposer : répéter à chaque fois que l’épidémie se termine devient contre-productif, car le relâchement généralisé après une vague participe à l’apparition de la suivante”, déplore Mahmoud Zureik. Seule certitude : nous allons continuer à avoir besoin de toutes les armes à notre disposition. Masques, aération, vaccins de nouvelle génération, médicaments… “On peut espérer l’arrivée en fin d’année d’antiviraux capables d’atténuer l’impact d’une infection ou d’être administrés en prophylaxie pour les cas contacts, ce qui aiderait à couper les chaînes de transmission”, souligne Bruno Canard.  

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