Covid-19 : le record des contaminations est-il dû à un record de tests ? – Libération

La pandémie de Covid-19 en Francedossier

Les chiffres très élevés de cas positifs atteints ces derniers jours ne sont pas uniquement liés au très grand nombre de tests réalisés par les Français en période de fêtes.

Bonjour,

Votre question fait référence aux records de nombre de contaminations au Covid19 annoncés depuis plusieurs jours en France. Mardi 28 décembre, Santé publique France, l’agence publique chargée de la surveillance épidémiologique, avait fait état de 179 807 cas positifs enregistrés en 24 heures. Un record absolu sur une journée dans le pays, qui avait été reçu avec précautions par certains commentateurs, émettant l’hypothèse d’un possible effet rattrapage après un week-end et un jour férié. Mais les nouveaux chiffres annoncés ce mercredi par Olivier Véran (208 000 contaminations sur les dernières 24 heures), semblent bien confirmer une explosion du nombre de cas.

Ces deux records successifs sur une journée s’inscrivent dans une progression constante du nombre de contaminations depuis plusieurs semaines, en moyenne lissée sur sept jours. Dans le même temps, le nombre de tests pratiqués en France n’a cessé lui aussi de progresser et bat aussi des records. Vous nous interrogez donc pour savoir si la hausse du nombre des contaminations traduit nécessairement une dégradation de la situation épidémique, ou si elle est la conséquence d’un plus grand nombre de tests réalisés.

Si l’on ne dispose pas encore du nombre de tests réalisés les 27 et 28 décembre, on sait que le 23 décembre par exemple, un record absolu a été atteint avec 1,55 million de tests réalisés en vingt-quatre heures en France. Le 24 décembre, le chiffre s’est maintenu à un très haut niveau avec 1,3 million de tests.

Mais ces chiffres ne suffisent pas à expliquer la très forte augmentation du nombre de cas positifs recensés, estime Santé publique France : «L’augmentation du taux de dépistage est probablement liée en partie aux fêtes de fin d’année, comme cela a été observé en 2020. Néanmoins, l’augmentation du taux d’incidence est plus marquée que celle du taux de dépistage confirmant bien l’augmentation importante de la circulation du SARS-CoV-2.» Une analyse confirmée par les experts interrogés par CheckNews.

«Le taux de positivité n’a fait qu’augmenter ces derniers temps»

«Il est indéniable qu’on pratique plus de tests en ce moment, rapporte Edouard Mathieu, à la tête du département données de Our World in Data, site dédié au suivi de données dont l’équipe est basée à l’université d’Oxford. Mais c’était surtout vrai à la fin de la semaine dernière. Et on dispose quand même d’un outil classique, pour voir si la hausse des cas est due à la multiplication des tests, c’est le taux de positivité : combien on a de cas positifs, à nombre de tests égal. Même si ce n’est pas un outil magique, car il est affecté par d’autres éléments.» Celui-ci dépend en effet pour partie de la politique de test.

Par exemple, si l’on restreignait les tests aux seuls symptomatiques, le taux de positivité grimperait mécaniquement. A l’inverse, peu avant les fêtes, de nombreuses personnes n’ayant aucune raison de penser être porteuses du virus (asymptomatiques et n’étant pas cas contact) ont pu se tester avant de retrouver leur famille. Ce qui aurait plutôt tendance à influencer le taux à la baisse.

Or «ce taux de positivité n’a fait qu’augmenter ces derniers temps». Ce qui tend donc à indiquer que les records de ces derniers jours ne sont pas liés qu’à une augmentation du nombre de tests. «Il faut attendre trois jours pour connaître le taux de positivité en France, donc on ne l’a pas encore pour les 27 et 28 décembre, mais tout porte à croire qu’il va continuer à augmenter.»

«Le chiffre du 28 décembre, par exemple, paraît par ailleurs cohérent si on le compare avec les pays voisins : il amène le taux d’incidence à 900 pour 100 000 habitants en France, ce qui est en dessous mais dans le même ordre de grandeur que le taux de 950 en Espagne ou de 1 170 au Royaume-Uni par exemple. Il n’y a donc pas d’absurdité française au niveau de ce chiffre.»

Comment choisir ?

Un biais à cause des autotests ?

Une analyse partagée par le mathématicien et spécialiste des épidémies Jean-Stéphane Dhersin. Ce directeur adjoint scientifique au CNRS confirme qu’il est «trop tôt» pour se prononcer définitivement sur les tout derniers chiffres, mais constate que la hausse des cas s’est accompagnée d’une hausse du taux de positivité ces dernières semaines : «C’est le cas également dans les endroits où omicron explose, comme à Londres par exemple. L’augmentation récente des cas, ce n’est donc pas uniquement parce qu’on teste plus.»

Il pointe toutefois un nouveau biais possible : «On estimait jusqu’ici, grâce à des chiffres britanniques notamment, que le nombre de tests positifs représente un tiers des cas réels, jusqu’à Delta. Mais aujourd’hui, avec les autotests, l’écart se réduit peut-être un peu.» On peut en effet imaginer que des personnes asymptomatiques, qui se découvrent positives avec un test chez elles, se rendent ensuite en laboratoire pour confirmer. Ce qui a pour effet logique d’augmenter le taux de positivité. A l’inverse, les personnes qui pratiquent un autotest négatif ne vont pas aller se faire dépister. «Mais ce n’est qu’une hypothèse, qu’on ne peut vérifier : on n’a aucune information sur la part des personnes qui vont faire un test en pharmacie ou en laboratoire, et qui auraient préalablement fait un autotest», estime pour finir Jean-Stéphane Dhersin.

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