Covid-19 : la fin de l’épidémie est-elle vraiment « à portée de main » ? – La Croix

Il en faudrait moins pour s’y perdre. Il y a deux mois à peine, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, lançait un message d’alerte : la pandémie de coronavirus est « loin d’être terminée » et reste « une urgence de santé publique de portée internationale ». La rentrée venue, le voilà soudain plus optimiste que jamais. « Nous n’avons jamais été dans une meilleure position pour mettre fin à la pandémie », a-t-il déclaré le 14 septembre, tout en invitant à ne pas crier victoire trop tôt : « Si nous ne saisissons pas cette opportunité, nous courrons le risque d’avoir plus de variants, plus de morts, plus de perturbations et plus d’incertitude. »

Des pincettes dont le président Joe Biden, lui, ne s’est pas encombré. « Si vous regardez autour de vous, personne ne porte de masque, et tout le monde a l’air en plutôt bonne forme », a-t-il lancé dimanche 18 septembre lors d’une interview télévisée. Et d’affirmer sans détour : outre-Atlantique, le Covid, c’est « terminé ». « Fini. » Dans un pays où l’épidémie tue encore plus de 400 personnes par jour, ses propos n’ont pas manqué de choquer. « Ce discours estd’autant plus surprenant qu’il a demandé au Congrès une rallonge budgétaire de 22 milliards de dollars pour la lutte contre le Covid-19 il y a deux semaines à peine ! », remarque Yves Coppieters, épidémiologiste à l’École de santé publique de l’Université libre de Bruxelles. Aussi l’assertion du président américain doit-elle être prise pour ce qu’elle est : un message avant tout « politique » à quelques semaines des élections de mi-mandat.

D’autant, rappelle l’épidémiologiste belge, que le combat contre une pandémie ne se gagne pas seul dans son coin. « Une pandémie est définie comme plusieurs foyers épidémiques dispersés sur plusieurs continents au même moment. Parler de la fin de la pandémie de Covid-19 pour un pays particulier, comme Joe Biden l’a fait, n’a donc pas grand sens ». « Y mettre un terme nécessiterait par ailleurs des investissements dans les pays moins développés où l’accès aux vaccins et aux traitements reste très limité », ajoute Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille.

« La fameuse immunité collective semble arriver »

De fait, la situation à l’échelle du globe reste très contrastée. « Dans certains pays comme la Chine, où la population est peu immunisée, le virus est toujours problématique, avec des confinements qui ont un impact majeur sur la société », rappelle Yannick Simonin, virologue à l’université de Montpellier. Néanmoins, reprend-il, « le chef de l’OMS n’a pas totalement tort et son discours est plus contrasté que ce qu’on en a retenu. Dans beaucoup de pays, la situation n’a jamais été aussi peu défavorable, pour le dire plus prudemment. Même si cela ne signifie pas qu’on en a fini avec le Covid », s’empresse-t-il d’ajouter.

Les chiffres européens sont encore venus le rappeler il y a quelques jours. Ainsi en France, où l’incidence a bondi après deux mois d’accalmie : on décèle actuellement 27 288 cas par jour en moyenne sur une semaine. Le taux d’incidence est, lui, en hausse de 57 % entre le 9 et le 16 septembre, selon Santé publique France. Laissant présager une huitième vague qui, d’ailleurs, n’a jamais fait l’ombre d’un doute aux yeux des épidémiologistes. « Toutes les modélisations montrent un rebond des contaminations à l’automne, même s’il reste difficile d’anticiper son ampleur », explique Yves Coppieters. Mais à moins d’un nouveau variant, ce dernier estime que « la situation devrait rester rassurante ». « La population est largement immunisée, que ce soit par la vaccination ou par des précédentes contaminations. »

Épidémiologiste et président de la cellule Covid de l’Académie nationale de médecine, le professeur Yves Buisson signale deux autres raisons majeures de se réjouir. « D’abord, un impact limité sur la saturation hospitalière malgré les rebonds. Certes, cela n’empêche pas la circulation du virus, mais cela limite les formes sévères et donc les hospitalisations. La fameuse immunité collective à laquelle certains ne croyaient plus semble arriver », savoure-t-il. Autre point positif : l’absence de nouveau variant. « Nous sommes sortis, du moins pour le moment, du renouvellement permanent de variants dans lequel nous étions depuis le début de l’épidémie. Certes, les sous-variants d’Omicron sont différents les uns des autres, mais derrière BA.5, rien qui puisse susciter l’inquiétude ne pointe à l’horizon. Cela donne de l’espoir… Ce qui ne signifie pas que le Covid est fini », précise-t-il à son tour.

« S’il y a une chose dont on est certain, c’est ça : le coronavirus ne disparaîtra pas et continuera à circuler », insiste de son côté Yves Coppieters. D’où la nécessité, selon lui, de délivrer des messages de santé publique clairs, alors qu’une nouvelle campagne de vaccination débutera à l’automne, avec des vaccins de nouvelle génération mieux adaptés aux nouvelles souches. « Le message qui consiste à dire « tout va bien mais allez vous faire vacciner » reste compliqué à faire entendre et risque surtout de ne pas mobiliser les populations », redoute l’épidémiologiste.

« Il va donc falloir se réhabituer aux gestes barrières »

La vaccination reste pourtant un allié de poids. « En France, la dernière vaccination contre le Covid-19 remonte à au moins six mois pour plus de la moitié des citoyens, calcule Philippe Amouyel. Et comme avec le temps l’immunité vaccinale diminue, nous allons très logiquement voir des nouvelles poussées. Les vaccins, notamment, peuvent nous permettre de limiter ces rebonds ». Ce qui est « à portée de main », ce n’est donc pas la fin de l’épidémie, mais son rapprochement progressif d’une résurgence saisonnière, comme la grippe, « avec des pics épidémiques hivernaux, et le besoin de protéger les personnes les plus fragiles grâce à des vaccins que l’on adaptera en fonction de la souche du virus qui circule. À ce titre, poursuit le médecin, l’arrivée de nouveaux vaccins adaptés aux variants omicron dans le courant du mois est une très bonne nouvelle, et permettra de mieux protéger les populations. »

En attendant, Philippe Amouyel bat le rappel des gestes barrières. « Avec l’été, les Français ont un peu oublié la crise sanitaire, et c’est bien normal. Il va donc falloir se réhabituer aux gestes barrières, se rappeler que le virus existe et fait toujours des victimes. Le Covid-19 n’est pas un rhume hivernal classique et, tout comme de la grippe, des personnes en meurent », insiste-t-il, tout en pointant un enjeu de santé publique dont on mesure encore mal l’ampleur : celui du Covid long. Cette épidémie-là ne fait probablement que commencer.

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Des vaccins bivalents bientôt disponibles

Dans un avis publié le 20 septembre, la Haute Autorité de santé (HAS) recommande d’intégrer dans la campagne automnale les deux vaccins bivalents développés par Moderna et Pfizer-BioNTech.

Récemment autorisés par l’Agence européenne des médicaments (EMA), ces vaccins à ARN messager ciblent à la fois la souche originelle du virus et les sous-variants d’Omicron, qui représentent l’immense majorité des contaminations en France.

« Les vaccins à ARNm bivalents ne sont pas des nouveaux vaccins mais des vaccins adaptés aux souches circulantes, à l’instar des vaccins contre la grippe saisonnière », actualisés chaque année, précise la Haute Autorité.

Les personnes éligibles au rappel restent les plus de 60 ans et les personnes immunodéprimées ou à risque de forme grave. Elles pourront recevoir indifféremment l’un des deux vaccins bivalents, sauf pour les personnes de moins de 30 ans, pour qui les vaccins Pfizer de première ou deuxième génération restent recommandés.

La HAS recommande cependant aux personnes fragiles qui n’auraient pas encore fait leur rappel de ne pas attendre l’arrivée des vaccins bivalents, les vaccins monovalents continuant de protéger contre les formes graves de la maladie.

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